Le taxidermiste de Theed, il y à quinze ans vous dites ? J’étais son apprenti. Il est mort il y a quatre ans de cela, un éboulement alors qu’il se rendait à Hismar. Gaedren Lamm ? non, ce nom ne m’est pas inconnu. C’était un bon client, une douzaine de commandes sur à peu près trois ou quatre ans. Sa dernière commande, pour sur que je m’en souviens, ce n’est pas tous les jours qu’on vous apporte un monstre à empailler. Une expérience surprenante et enrichissante, dérangeante certes, mais c’est une chance qui n’arrive qu’une fois dans une vie, difficile de laisser filer une telle opportunité lors qu’elle vous est présentée sur un plateau.
Je me souviens également qu’il s’était renseigné sur quelque chose auprès du maître ce jour là, je n’ai pas entendu tous les détails, mais je crois qu’il cherchait un dresseur.
Cela nous a pris un bon mois de travail pour faire ce que nous avions à faire. Il avait payé d’avance, comme il le faisait toujours d’ailleurs. Et comme convenu, nous avons livré le produit fini à l’auberge et avons ajouté la nouvelle pièce à sa collection. J’ai voulu discuter avec lui ce jour là, mais on m’a dit qu’il n’était pas encore rentré. Ce fut la dernière fois que j’eusse des nouvelles de lui.
~ Témoignage de Franz Carnisse. Humain. Taxidermiste de Theed. ~
Pour sur que j’fais dans l’dressage de bestioles bizarres, c’est mon truc depuis des années. Des loups géants, des pégases, des griffons, voire même un dragon. C’est pas plus dur que dresser un chien quand on sait s’y prendre et que le dressage commence au plus bas âge.
Un diable noir ailé ? Ouep, j’ai eût ça une fois. Un bellâtre qui nous l’avais amené y’a un paquet d’années de çà, c’était encore qu’un œuf à ce moment. Je l’ai pas gardé bien longtemps, une sale histoire, y’avait le chef de la famille Asfaloth qui nous avait amené un lion mal en point pour qu’on le soigne. Oui, on soigne aussi les animaux blessés ou malades. Mais bon, faut avouer que la bête était vraiment amochée, une bagarre entre deux mâles qui avait mal tourné. On a rien pu faire.
L’était vénère le père Asfaloth, à çà pour gueuler il a gueulé. Mais en voyant le petit dont on venait juste de finir le sevrage, il s’est calmé et à voulu l’acheter, à « prix d’ami » en compensation du lion perdu. J’l’ai déjà bien regretté d’avoir accepté si vite.
Les Asfaloth ? Vous connaissez pas ? C’était une famille qui tenait un cirque ambulant depuis un paquet de générations.
~ Témoignage de Filipdul Vertebouteille. Gnome. Dresseur exotique de Theed. ~
Oui, je me souviens, mon père avait ramené cette créature bizarre quand j’étais toute petite, j’avais encore que cinq ans. C’est mon frère, Kyrtar, qui l’entraîna. Vu qu’elle était très agile il en a fait une acrobate. Je ne m’en rendais pas vraiment compte à l’époque mais c’est vrai qu’il a pas toujours été gentil avec elle. Oui, elle, c’était une femelle. Non, je n’avais pas peur. Je suis née dans un cirque, à trois mètre de fauves capable de tuer un homme d’un seul coup de griffes, vous pensez bien que ce n’est pas cette petite chose qui allait me faire peur.
Petite, petite, mais c’est comme les chats, ça grandis vite, à peine le temps de s’habituer à leur mignonne petite bouille qu’ils doublent de taille. Ben ce fut pareil, elle m’a vite rattrapé en taille, mais malgré tout j’éprouvais une certaine affection pour elle, on jouait ensemble des fois, quand mes parents et mon frère avaient le dos tourné. J’ai le sentiment qu’elle me comprenait, un peu du moins, je crois.
On l’a gardé avec nous pendant à peu près sept ans. Oui, c’est ça, j’allais avoir quatorze ans quand ce monsieur elfe est arrivé.
C’était un voyageur, un grand ami des animaux comme il disait, l’hiver avait été rude, et plusieurs animaux étaient tombés malades. Il nous à bien aidé à les soigner, avec sa magie de la nature, sans rien demander en échange. Mais, après l’avoir vue, il voulu l’examiner de plus près, pourtant elle me montrait aucun signe de maladie. Il resta là, à genoux dans la cage, pendant de longues minutes, sans rien dire, comme s’ils parlaient directement avec leurs cœurs, il ne pris pas la peine de fermer la cage quand il eût fini et elle ne tenta pas de s’échapper.
S’en suivi une longue discussion houleuse en privé avec mon père, qui visiblement, accepta à contre cœur de lui céder. Quelques minutes plus tard, ils partaient ensemble. Je n’ai revus aucun des deux depuis lors.
~ Témoignage de Tomoya Asfaloth. Humaine. Artiste itinérante. ~
C’était six ans avant son arrivée que l’ancien Sergent Amras commença à me parler d’elle. Il l’avait recueillie auprès d’un cirque ambulant et avait tissé des liens étroits avec elle. Une strixe comme il avait dit que ces créatures s’appelaient. Il ne m’a jamais vraiment expliqué pourquoi il l’avait pris sous son aile, mais pour aussi loin que je m’en souvienne, il n’a jamais été très porté sur la logique, c’était un instinctif, un esprit très ouvert qui sentait les choses.
Il m’a dit avoir commencé à lui transmettre son art et à lui apprendre à communiquer. Je recevais régulièrement des nouvelles de lui, de l’entraînement qu’il lui prodiguait et du bon déroulement de celui-ci. Elle avait, comme son intuition le lui avait soufflé, les capacités nécessaires à l’apprentissage des différentes choses de la vie en société, et avais visiblement assez vite maîtrisé les bases du langage commun.
Il décrivait avec fierté ce qu’il leurs arrivait, mais pas tant la fierté du dresseur ayant dompté un animal fabuleux que celle d’un père fier de sa progéniture.
La dernière lettre que je reçu de lui n’eût rien de réjouissant. Il m’annonçait son retour aux combats dans un avenir proche. Il était inquiet pour elle, cela se sentait. Etait-ce un choix mûrement réfléchis ou une simple toquade, toujours est-il que lors de ma dernière missive, je lui ai promis de faire mon possible pour prendre soin d’elle au cas où. Trois mois plus tard, elle était là, devant moi, avec une dernière missive de mon ancien compagnon d’armes, dans lequel il me faisait ses adieux et me priait de bien prendre soin d’elle. Je ne pouvais, et n’allais plus reculer.
~ Rapport du Capitaine Garen Tanith. Humain. Capitaine du Premier et Unique Régiment aéroporté de Ghorgorville. ~